« Comme une cuillère dans une tasse de thé »

Samuel Weber, chercheur au SLF, explique sa nouvelle méthode pour déterminer à quelle vitesse la chaleur pénètre dans les profondeurs du pergélisol. Ces résultats permettront de détecter précocement les changements qui s’opèrent dans les régions montagneuses et de mieux évaluer les risques d’instabilités et d’éboulements. 

  • Mesurer la conductivité thermique dans le pergélisol : une nouvelle méthode détermine la vitesse à laquelle la chaleur se propage dans la roche, directement à partir de données de forage.
  • De meilleurs modèles : les résultats permettront d’anticiper plus tôt les conséquences des dangers naturels en période de changement climatique.
  • Eau, glace et air dans le sous-sol : des anomalies et des modifications de la conductivité thermique indiquent que la composition du matériau change.

Monsieur Weber, vous avez étudié la vitesse à laquelle les températures se propagent dans le pergélisol. Cette information est-elle importante ?

Absolument. Nous déterminons la capacité de la roche à conduire la température, qui est une propriété spécifique au matériau. Si nous comprenons à quelle vitesse les changements de température se propagent en profondeur, nous pourrons évaluer de manière beaucoup plus fiable et modéliser plus précisément l’évolution du pergélisol dans le contexte du changement climatique. C’est important, car ces connaissances permettront en fin de compte également d’identifier à un stade précoce les changements qui s’opèrent dans les régions des hautes Alpes et leurs répercussions possibles sur les risques naturels.

Qu’est-ce qui rend votre travail si particulier ?

Jusqu’à présent, on ne disposait que de valeurs tirées de la littérature et on avait peu de résultats de laboratoire concernant la conductivité thermique du pergélisol. Il n’existait aucune valeur mesurée directement sur le terrain, dans le pergélisol. La particularité de notre méthode réside dans le fait que nous n’avons pas besoin de collecter et d’analyser des échantillons de roches pour déterminer la densité, la capacité thermique ou la conductivité thermique. Il suffit d’étudier les variations de température dans les trous de forage du pergélisol en fonction de la profondeur et du temps. Nous en déduisons directement la conductivité thermique du matériau à partir d’une équation physique, l’équation de la conduction thermique, et de sa solution. Nous avons déterminé cette valeur pour toutes les profondeurs des 29 trous de forage du Réseau suisse d’observation du pergélisol PERMOS et avons constaté des différences selon le type de terrain (glaciers rocheux, éboulis et parois rocheuses).

 

Ça a l’air compliqué !

Imaginez une cuillère dans une tasse à thé. Si elle est en métal, elle chauffe en quelques secondes. Une cuillère en bois met beaucoup plus de temps, plusieurs minutes. Chaque matériau absorbe et transmet la température à des vitesses différentes. Il en va de même pour la roche. Typiquement, le granit transmet la chaleur à peu près deux fois plus vite que le schiste.

Qu’est-ce que cela signifie ?

La chaleur pénètre beaucoup plus rapidement en profondeur dans le granit. Ce processus se produit également dans le schiste, mais beaucoup plus lentement. Il existe donc des différences dans la vitesse à laquelle les changements climatiques se produisent en profondeur.

Les parois rocheuses en granit risquent donc de s’effondrer plus rapidement que celles en schiste.

C’est un raisonnement trop simpliste. La chaleur n’est qu’un facteur parmi d’autres dans ces processus. Mais nos conclusions sont désormais intégrées dans des modèles. Nous pouvons ainsi faire des affirmations plus précises, tant sur la propagation de la chaleur dans la roche que sur les propriétés du matériau présent sur place.

Comment ça ?

D’un point de vue physique, la conductivité thermique décrit le rapport entre la variation de température dans le temps et en profondeur. Nous comparons ensuite les températures modélisées sur la base de la conductivité déterminée avec les valeurs mesurées. Ce faisant, nous avons également constaté des anomalies. Celles-ci sont importantes, car elles indiquent des effets supplémentaires. En effet, le pergélisol ne contient pas seulement de la roche, mais souvent aussi de l’air, de la glace et de l’eau. Les anomalies nous permettent de détecter de l’eau qui s’infiltre en profondeur, par exemple, car l’eau infiltrée transporte la chaleur beaucoup plus rapidement. 

Il est également intéressant de noter que la température se propage plus lentement dans les éboulis que dans la roche. Les éboulis contiennent en effet beaucoup plus d’air, d’eau et de glace qui interagissent entre les blocs de pierre. Ces trois éléments sont clairement liés.

Quel rapport y a-t-il entre ces éléments ?

Leurs proportions déterminent la vitesse à laquelle la température se propage dans un mélange composé de ces trois éléments et de roche (voir graphique). L’air a une conductivité thermique élevée et accélère le processus, tandis que l’eau et la glace le ralentissent. L’évolution de la conductivité thermique au fil du temps peut donner des pistes sur la composition des trois éléments présents dans les cavités rocheuses.

Qu'est-ce que ... le permafrost ?

Le permafrost est un sol tel que la roche, l'éboulis ou la moraine, qui présente en permanence des températures inférieures à 0°C et qui est donc gelé en permanence. Environ cinq pour cent de la surface de la Suisse est constituée de permafrost, généralement dans des éboulis et des parois rocheuses froides et de haute altitude, au-dessus de 2500 mètres.

Contact

Droits d'auteur

Le WSL et le SLF mettent gratuitement à disposition du matériel visuel et sonore pour une utilisation dans le cadre d'articles de presse en rapport avec ce communiqué de presse. La reprise de ce matériel dans des bases de données d'images, de sons et/ou de vidéos ainsi que la vente de ce matériel par des tiers ne sont pas autorisées.